témoignages + 2013 mars 7, Guatemala - LETTRE DE LA RUE

 

Chères amies et amis du Mojoca,

 

Je vous écris rapidement cette lettre de la rue parce que nous sommes submergés par les travaux de transformation du Mojoca.  Mais je voulais vous écrire aujourd’hui pour que vous receviez ce message le huit mars, une date importante pour le Mojoca. C’est le jour international des luttes de libération des femmes et le Mojoca participera à la manifestation qui a pour thème, cette année, la lutte contre la maltraitance, les abus sexuels, les meurtres des fillettes et adolescentes. Le Mojoca, depuis sa création, est engagé dans ce combat parce que la plupart des filles qui choisissent la rue le font pour fuir les violences dans la famille.

Le 17 mars, nous organiserons un spectacle théâtral présenté par un groupe de femmes qui ont subi des violences et qui se libèrent des conséquences de cette expérience et réalisent et créent leurs rêves par ce moyen.

 

Demain c’est aussi le septième anniversaire de la maison du Huit Mars et cette année-ci nous le célébrerons en lançant une vente promotionnelle des gaufrettes de Bélgica lors de la manifestation du huit mars. Ma nièce Béatrice nous a amené  jeudi dernier deux gaufriers professionnels qu’André Demarque, après une recherche minutieuse, avait achetés au Luxembourg. Ils ont été payés par vos dons de partage à l’occasion de la Noël. Lundi dernier nous avons fait les premiers essais en testant plusieurs recettes. Ici, on ne trouve pas les mêmes produits qu’en Belgique: la farine, le sucre, la margarine, le lait contiennent des vitamines et autres additifs qui en altèrent la saveur. Ils n’ont pas encore pensé à les injecter dans les oeufs. Beaucoup de démarches, de visites, de négociations pour trouver ce qui nous convient. Tous ceux qui ont goûté nos gaufrettes les trouvent délicieuses. Tamara et Wendi sont au travail depuis hier. Elles produiront environ 800 galettes, les mettront par trois dans un sachet en plastic transparent hermétiquement clos. Les sachets ont une étiquette en couleur qui indique qu’ils contiennent des gaufrettes de Belgique.

 

Nous sommes dans une période de transition créatrice et on commence à entrevoir ce que sera le nouveau Mojoca. Si vous voulez, faisons ensemble une brève visite aux différents collectifs.

 

LES COLLECTIFS DES RUES

 

Ça bouge dans la rue. La nouvelle équipe, coordonnée par Glenda est dynamique. Pratiquement tous les groupes sont contactés chaque jour et le nombre de jeunes qui participent activement et viennent trois fois par semaine dans la maison a doublé: Il y en a une quarantaine dans la maison. Ils s’occupent du recyclage du papier et du carton et ils fabriqueront des cahiers et des cartes de voeux avec des fleurs séchées collées dans la pâte du papier avant qu’elle ne sèche.

 

LES COLLECTIFS ETUDIANTS

 

Environ 80 jeunes gens, des filles pour la plupart, sont inscrits à l’école: une trentaine dans l’école primaire du Mojoca, les autres dans des écoles secondaires ou à l’université, en majorité dans l’enseignement officiel. Nous avons fait un choix très strict des institutions fréquentées pour obtenir une bourse d’études.

 

Les jeunes qui vivent encore dans la rue suivent des cours d’alphabétisation dans notre centre.

 

Il y a encore des progrès à faire pour que notre école soit mieux adaptée aux jeunes adultes qui la fréquentent, qu’elle colle davantage à leur vie, à leurs problèmes, à leurs désirs. L’école est un des piliers du système dominant et malheureusement nous n’avons pas encore d’instits qui ont vécu dans la rue. Mais ça viendra.

 

LA MAISON DU HUIT MARS

 

Dire que le changement est facile serait mentir. Mais progressivement, les jeunes  femmes apprennent la discipline du travail. Et tout va être plus facile quand  les activités commenceront de façon régulière. Il n’y a pas seulement la production de gaufrettes, mais aussi la fabrication de bijoux, la peinture de T-shirts que je ne manquerai pas d’apporter en Belgique. Des oeuvres d’art uniques à partir de dessins de Maria Elena que beaucoup de vous connaissent. Des compositions de fleurs, de papillons, de quetzals, d’enfants et de jeunes des rues, de femmes mayas avec leurs vêtements splendidement coloriés.

Et surtout, il y aura la pizzeria qui j’espère, sera inaugurée, avant Pâques. Carmelo, un artisan pizzaiolo arrivera le 16 mars pour enseigner l’art des pizzas à l’italienne. On vendra aussi les gaufrettes, des sandwichs et aussi des hot-dogs. Deux amis nous ont fait cadeau d’une machine à hot-dogs.

Ouvrir un local pour produire et vendre de la nourriture n’est pas chose aisée. Il y a un tas d’autorisations à décrocher du Ministère de la Santé, de la Commune, du bureau des impôts, du Centre historique. Les employées doivent avoir un certificat de bonne santé et un diplôme de manipulation des aliments. Il y a des normes rigides pour le local.

Notre architecte Patty De Block a dessiné le plan du local. Il a fallu choisir les céramiques pour le mur, le pavement, le four et tout ce qui est nécessaire. Recherches, visites, négociations sans fin. Il faut penser à la sécurité dans cette ville où règnent les mafias.

 

Et puis tous les ingrédients pour les pizzas, les sandwichs, les hot-dogs. Il faut penser aux boissons et se plier, malgré ses convictions, aux goûts des gens tout en les éduquant à la bonne bouffe.

Mais on oubliera tous ces tracas en dégustant les premières pizzas de Carmelo et de ses apprenties: Tamara et Wendi, Evelin, Jacqueline, Marta, Diana, Vilma. Mais n’ayez crainte, le commercial ne supplantera pas l’éducatif, le rendement sera soumis à la solidarité.

 

LA MAISON DES AMIS

 

Grâce à Michelangelo Rinaldi et autres amies et amis de Bâle, nous avons pu restaurer la maison des amis. Une superbe maison qui avait été construite par un émigré italien dans les années vingt.

 

C’est là que nous avons notre menuiserie qui est à présent l’activité de la maison. Il y a d’autres projets, mais les bras manquent pour les commencer.   Pas faciles les garçons. Ils manquent de persévérance. Ils ne s’occupent pas de leurs enfants quand ils en ont. Alors que les filles trouvent souvent dans l’amour pour leurs enfants la force de s’accrocher, de résister à l’appel de la drogue, de la rue, de leurs camarades du groupe qui pour elles était une famille.

 

LES AUTRES COLLECTIFS

 

Les groupes d’aide mutuelle des Quetzalitas, Nueva Generación, Mariposas, Generación del Cambio, ont repris leurs activités sous le signe de l’austérité et de la solidarité. Ils participent aux frais de leur collectif. Les Quetzalitas ont renoncé au déjeuner des jours de réunion pour épargner.

 

ATELIERS SOLIDAIRES MOJOCA, MICRO-ENTREPRISES ET RECHERCHE DU TRAVAIL

 

Les ateliers de cuisine, boulangerie et pâtisserie, couture ne fonctionnent pas encore à plein rythme. Adelina Veliz, est notre nouvelle responsable des programmes et du personnel, tâche qu’elle remplit très bien, Anibal Rosales, assistant d’administration et Mirna Cragua qui n’a pas peur des heures supplémentaires, ont formé une commission qui restructure les ateliers, leur administration, un contrôle plus strict de la gestion de l’argent. Nous n’attendrons pas longtemps pour voir les résultats positifs de cette prise en mains.

 

Laura et Wendi font du bon travail et la plupart des micro-entreprises continuent à fonctionner. Quelques jeunes femmes manifestent un véritable talent de commerçantes et profitent de toutes les occasions pour augmenter leur activité. Elle ne deviendront pas riches, mais elles gagneront leur vie.

 

ASSEMBLEE GENERALE DE NOTRE ASSOCIATION

 

Elle a eu lieu le 23 février de cette année. Une rencontre pleine de chaleur, de sérieux, de volonté de soutenir le Mouvement des jeunes des rues. Les quatre rapports sur le budget et les activités de 2012, sur le programme et le devis de 2013 ont été écoutés avec attention et discutés avant d’être soumis au vote.

Glenda a été réélue présidente de l’association jiridique et Gabriela Altman, membre de la Junte Directive. Gabriela et son compagnon Rolando Urrutia sont de nouveaux amis qui nous ont permis de rencontrer le bourgmestre de la capitale et de collaborer avec la Commune. 

Je proposerai lors de notre prochaine réunion que chaque membre de la Junte assume des responsabilités spécifiques, sauf Glenda et Carlos qui travaillent dans le Mojoca.

Patty De Block, membre de la Junte depuis 1999, est une excellente architecte qui planifie et dirige toutes les transformations de nos maisons. Elle s’occupe également d’organiser des retraites.

Lili De Valladares prendra la supervision des activités de production et de vente de nourriture dans le local de la maison du huit mars.

Gabriela Altman suivra l’atelier de menuiserie de la maison des amis, les rapports avec la commune et la recherche de subventions nouvelles.

Ivette Aldana nous met en rapport avec le réseau du commerce solidaire et la coopération canadienne.

Silvia De Izaguire assumera la supervision de la comptabilité et des ateliers solidaires. Une bonne équipe!

 

 UNE ANNEE DU VOLONTARIAT INTERNATIONAL 

 

Beaucoup de volontaires de différents pays européens sont venus travailler avec nous. Il y avait des Italiens, Denise, Michelangelo et Giorgio, Sara et Stefano Castelli, prof de psycho à l’université “La Biccoca” de Milan qui a lancé la coopération non seulement entre son université et le Mojoca, mais également entre l’université San Carlos du Guatemala et le Mojoca. Nous espérons signer tout prochainement un accord de collaboration avec cette université.

 

Trois autres pays sont ou ont été présents: la Suisse avec Nora (une vraie Suissesse qui a permis de faire comprendre aux jeunes du Mojoca qu’il n’y a pas que des italiens en Suisse); l’Allemagne par Liv Patte qui en est à son quatrième séjour au Mojoca; et notre Belgique avec Béatrice qui aura bien des choses à vous raconter à notre AG du début juin.

 

Dans ma prochaine lettre,  je vous en dirai davantage, vous saurez si les gaufrettes et les pizzas se vendent bien, si le travail produit, les effets positifs escomptés, si le Mojoca remplit sa tâche de promotion du protagonisme des jeunes de la rue et d’amitié libératrice. On se revoit en mai et juin, Dios primero, comme on dit ici, si Dieu le veut et si vous le voulez.

 

Au nom des jeunes de la rue et des enfants et au mien,  je vous envoie nos chaleureuses salutations d’amitié et notre volonté de collaborer avec vous pour rendre plus vivable notre monde et notre terre,

 

Gérard