témoignages + 2011 novembre 19 - Guatemala

Recevez les meilleures amitiés de ma part, de la part aussi des enfants et des jeunes de la rue du Mojoca et des travailleurs du Mojoca.

Nous avons eu la joie d’avoir avec nous pendant neuf jours, Nora ( psychologue, vice-présidente d’Amistrada), qui a fait un excellent travail de réflexion et d’encouragement, qui nous a réconfortés en ces temps difficiles pour le Mojoca et le Guatemala. Pour moi en particulier, sa présence (trop brève) sa joie, son enthousiasme, sa créativité et sa positivité, ont été pour moi une aide importante dans un moment pas facile.

Dans les prochains mois, nous préparerons deux budgets pour l’année prochaine : le budget « idéal » qui comprendra tout ce qui serait nécessaire pour bien continuer toutes les activités et le budget « réaliste » qui sera fait pour affronter une situation de rentrées inférieures de 20 % à celui de cette année. L’écart entre les deux devrait être comblé par des ressources trouvées au Guatemala, par les bénéfices des travaux de la cuisine et de l’atelier de boulangerie-pâtisserie, par des activités productives réalisées par chaque collectif en particulier.

Mais nous devons aussi nous préparer au pire vu qu’avec l’élection du nouveau président, Perez Molina, la pire partie de l’armée revient au pouvoir, celle qui a participé au génocide des années 80. Notre crainte est qu’il a promis une politique de la main dure, qu’il a vaincu les élections grâce aux 72 % des votes dans la capitale (dans les autres régions du pays, l’autre candidat Baldizón, était le vainqueur). Cela veut dire qu’il aura l’appui actif d’une bonne partie de la population. Un autre fait inquiétant est qu’il a promis qu’en six mois, il aurait éliminé la délinquance.  En six mois, il pourrait tout au plus, « nettoyer » les rues, comme on dit ici, c’est-à-dire faire disparaître les groupes de rue et les petits délinquants. Les grands sont au pouvoir. Nous devons rapidement élaborer des plans d’urgence et nous le ferons à quatre niveaux :

1)     La rue. Il y a déjà beaucoup d’inquiétude chez les jeunes et dix d’un groupe de dix-huit se sont déjà réfugiés au Honduras, non seulement des Honduriens mais aussi des Guatémaltèques. Et quelques-uns ont décidé  de quitter la rue et d’essayer de retourner dans leur famille. Nous devrons encourager cette tendance car nous n’avons pas la possibilité de les recevoir tous dans nos maisons. Nous voulons renforcer notre organisation dans la rue avec des représentants de chaque groupe dans la coordination de la rue, avec la création d’un observatoire de rue de façon à être immédiatement avertis en cas de répression violente. Nous ferons aussi dans les deux mois, un travail de conscientisation afin que beaucoup quittent la rue pour retourner dans leur pays d’origine, dans leur village, dans leur famille et que le plus grand nombre possible d’entre eux sachent déjà où chercher un refuge en cas de besoin.

 

2)     Au niveau du Mojoca. Etudier ce que peut faire chaque collectif dans la phase de la prévention. Par exemple, encourager les jeunes prêts à faire le pas pour entrer dans une de nos maisons d’habitation, à accélérer leur processus pour le faire. Dans la phase de répression, mettre immédiatement en action les mesures prévues. Les filles et garçons sortis de la rue, les travailleuses et travailleurs, seront invités à accueillir un garçon ou une fille dans leur propre maison.

 

3)     Au niveau des associations de défense des droits de l’Homme, des syndicats, des paroisses et églises évangéliques, déjà convenir de quoi faire ensemble en cas de violation des droits des jeunes de la rue ou des autres catégories de personnes marginales. Le gouvernement pourrait proclamer l’état d’urgence, qui interdit les rassemblements de plus de cinq personnes et diminue radicalement les droits individuels.

 

4)     C’est pour cela qu’est indispensable un réseau de personnes et associations dans d’autres pays, prêtes à réagir immédiatement en cas de répression violente des jeunes et des groupes de rue. Une avalanche d’e-mails doit s’abattra sur la présidence sur les ministres, sur les partis politiques, sur la magistrature et dans les journaux du Guatemala. Nous devrions récolter au plus vite les adresses électroniques pendant que nous comptons sur vous pour faire envoyer le plus grand nombre possible de protestations. On devrait obtenir que des journaux plus sensibles parlent de ce qui se passe au Guatemala, faire pression sur des parlementaires nationaux et européens. Mais cette partie, je vous la laisse. Nous avons aussi de nombreux contacts en Amérique latine et nous leur demanderons d’être prêts à protéger dans la mesure du possible, les jeunes de la rue et leur organisation. Nous savons aussi que pour le Mojoca, le futur est incertain.

 

En même temps, nous espérons que le pire n’arrivera pas mais nous devons rester prêts à l’affronter s’il arrive. Mais nous ne voulons pas faire une fixation sur Perez Molina mais continuer à rénover le Mojoca, à faire notre travail toujours mieux, à faire en sorte que ce soient les jeunes qui dirigent effectivement leur Mouvement et à faire en sorte que l’amitié libératrice soit vraiment la caractéristique principale du Mojoca.

Notre attitude envers les oppresseurs ne sera pas imprégnée de haine mais d’amour, parce que si nous utilisons leurs méthodes, nous deviendrons comme eux. Nous croyons qu’un changement est possible et c’est dans cet esprit que nous commencerons l’année 2012.

Bien des amitiés de ma part et de la part du Mojoca et merci de tout cœur à vous tous qui soutenez avec amitié chaque personne et chaque groupe du Mojoca.

Gérard