témoignage 2009 novembre 14 – Guatemala

 

Chères amies, chers amis de Mojoca-Belgique,

 

Je vous envoie les affectueuses salutations des enfants, des jeunes et du personnel du Mojoca.

 

Le 14 novembre, nous nous réunissons en assemblée générale juridique, pour examiner les bilans et les résultats obtenus dans les différents programmes, la planification de l’année 2010,  et élire  deux membres du Conseil d’Administration et une nouvelle trésorière.

 

Comme vous le savez déjà, les mois d’aoûtt et de septembre furent agités à cause des tentatives d’extorsions, accompagnées de menaces de mort, qui ont en partie provoqué la démission de notre administratrice et déstabilisé quelques-unes de nos travailleuses. Les jeunes de la rue ne se laissent pas facilement intimider et ensemble, nous avons pu surmonter ces temps difficiles et reprendre le cours normal de notre travail.

 

A présent, nous faisons notre possible pour finir en beauté l’année sociale et à préparer la prochaine. Nous essayons d’améliorer les programmes qui n’ont pas bien fonctionné cette année, en particulier l’école qui n’a pas été très fréquentée et n’a pas obtenu de bons résultats. Cela est dû en partie au fait que nos enseignants n’étaient pas suffisamment préparés pour ce travail difficile. Pour cela, nous allons changer radicalement notre façon de travailler. Nous avons demandé au « PENAT », association d’alphabétisation d’enfants et adolescents travailleurs de la rue, avec laquelle nous avons déjà travaillé parce que ce sont eux qui nous fournissent les manuels scolaires, la méthodologie et la reconnaissance officielle des diplômes. Ils nous enverront trois instituteurs et nous feront une supervision très attentive trois fois par semaine.

 

Nous avons proposé quelques modifications au budget de cette année, d’une part pour augmenter la qualité de l’école et d’autre part pour augmenter l’aide directe aux filles et aux garçons, dans les secteurs de la santé, des bourses d’études, des soutiens à distance pour les enfants, pour l’alimentation des maisons d’habitation et pour les réinsertions au logement.

 

Nous renforcerons aussi le programme d’insertion dans le travail et la constitution de micro-entreprises. Le travail est une condition indispensable pour une insertion dans la société et c’est très difficile pour un jeune sorti de la rue, habituellement avec une scolarité hasardeuse, avec des tatouages et tous les préjudices qu’on peut avoir sur lui, de trouver un travail formel. C’est difficile aussi de vivre d’une micro-entreprise, qui est habituellement la vente sur la rue d’aliments, de vêtements, de chaussures, de fabrication et vente de détergents, de lotions et de parfums. La concurrence due à la forte augmentation des chômeurs est impitoyable. Il y a cinq ou six ans, un jeune pouvait retirer le nécessaire pour vivre de la vente de bonbons dans les lieux publics. Maintenant, on rencontre des dizaines d’autres jeunes qui font le même métier et le bénéfice d’une journée est très souvent insuffisant pour vivre. C’est pour cela que nous voulons aussi lancer, dans les prochains mois, une entreprise de la rue, distincte du Mojoca, qui est une ASBL et ne peut exercer des activités productives. Cette entreprise devrait donner du travail aux filles et garçons sortis de la rue et, si possible, fournir des ressources au Mojoca. L’entreprise comptera diverses unités productives; nous commencerons par la fabrication de pain et de biscuits et la vente de colliers et de bracelets qu’un groupe de filles est en train d’apprendre à fabriquer dans un atelier organisé par notre fidèle amie italienne Maria Concetta Gubernale. Ensuite, nous essayerons d’entreprendre la fabrication de chocolat, de démarrer une cafeteria et la production d’autres produits. Dans notre magasin, nous vendrons également des produits du commerce équitable et solidaire. Je sais bien que c’est une folie de mettre sur pieds une entreprise commerciale dans une période où tant de petites entreprises ferment leurs portes au Guatemala comme en Europe et partout dans le monde. Mais c’était aussi une folie d’organiser un Mouvement géré par les filles et garçons de la rue eux-mêmes. Si on n’essaie pas de réaliser l’impossible, on ne peut pas changer la réalité.

 

Nous essayons aussi de renforcer l’autogestion; pour l’améliorer, les jeunes des divers collectifs (rue, école, ateliers et initiation au travail, maisons d’habitation, groupes des boursiers et de ceux qui reçoivent une aide au logement ou au travail, les Quetzalitas et les garçons de Nouvelle Génération) sont en train de discuter les règles de fonctionnement du Mojoca. Les modifications à ces «statuts de la rue» seront soumises à l’approbation de l’assemblée générale du Mojoca du 11 décembre prochain.

 

Nous essayons également de rendre plus efficace et incisif le comité de gestion, avec des critères plus exigeants pour les candidats aux élections. Maintenant, ils doivent avoir terminé l’école primaire, faire partie des Quetzalitas ou de Nouvelle Génération, mener une vie stable en-dehors de la rue, des drogues et des activités illégales. Six filles se présentent aux élections de décembre; deux d’entre elles ont terminé avec succès l’école supérieure et fréquenteront l’université l’année prochaine.

 

Nombreuses sont les nouvelles que je pourrais vous communiquer sur l’évolution du Mojoca. A présent, 15 filles et 14 enfants vivent dans la maison du 8 Mars, dans un espace restreint parce que nous avons dû commencer des travaux importants contre l’humidité. Travaux difficiles parce que les murs sont en boue séchée et s’effritent en plusieurs endroits. Mais nous avons un groupe d’ouvriers compétents et consciencieux et j’espère que les problèmes seront résolus. Je pense que la maison n’avait connu aucune restructuration importante depuis des dizaines d’années. J’espère que d’ici quelques mois, les enfants pourront grandir dans un environnement sain. Vous pouvez aisément imaginer que dans une maison habitée uniquement par des filles, des tensions et des conflits peuvent surgir. Ils sont l’occasion de réfléchir ensemble et d’approfondir les relations de respect et d’amitié.

 

Qui lit nos planifications pourrait avoir l’impression que tout est programmé dans les moindres détails et qu’ainsi le travail marche de manière régulière avec des règles et des horaires précis. Mais pour avoir une idée de ce qui se passe en réalité, il suffit de regarder une des nombreuses séries télévisées sur les services de secours d’urgence des hôpitaux. En fait, nous devons continuellement faire face à des urgences. Mais cela ne peut pas empêcher qu’à travers mille difficultés, le Mojoca se rapproche progreessivement de ses objectifs.

 

Mardi 10 novembre, nous avons participé à un séminaire que nous avons organisé avec Vincenzo Castelli et des collaborateurs du projet financé par l’ONG italienne INA-FICT, un projet avec des jeunes marginaux dans les Caraïbes et en Amérique centrale. Le thème du séminaire était l’entreprise de rue. Effectivement, Ina-Fict nous donne une subvention de 40.000 euros pour démarrer ce type d’entreprise.

 

Le chœur formé par Theresia Bothe, en 15 jours seulement, s’est présenté pour la première fois en public. Un succès. Les meilleures interventions ont été, comme toujours, celles des filles et garçons du Mojoca. C’est ce qu’a dit à la fin du séminaire, Paola Viero, directrice de la Coopération italienne en Amérique centrale, une personne exquise, désireuse d’appuyer le Mojoca pour autant que cela lui soit possible. Entre autre, elle veut nous associer à un projet pour les jeunes de la capitale du pays, financé par la coopération italienne, avec 2.000.000 d’euros. Paola est convaincue qu’on doit donner la priorité aux jeunes dans les projets de coopération. L’ambassadeur d’Italie au Guatemala, Mainardo Benardelli, a participé au début du séminaire avec un bref discours. Il s’est montré intéressé aux activités du Mojoca et m’a invité à dîner chez lui. Il m’a paru simple et cordial, très différent de quelques-uns de ses prédécesseurs.

 

La semaine dernière, nous avons eu la bonne nouvelle que la subvention présentée par « Mani Tese » à l’ « ENEL-Cuore », de l’entreprise italienne d’électricité ENEL, pour la reconstruction de la maison, avait été approuvée. Avec cette subvention nous pourrons restituer à Amistrada une partie du prêt reçu dans le 2008 pour l’émergence école et demander en même temps à Amistrada de financer les travaux contre l’humidité dans la maison du 8 mars et la dernière partie des travaux dans notre centre social.

 

Chers amies et amis, il me semble vous avoir communiqué l’essentiel de la situation du Mojoca. Les nombreuses initiatives que vous prenez renforceront certainement l’amitié entre le Réseau et le Mojoca et notre engagement commun pour rendre plus humain le monde dans lequel nous vivons.

 

Recevez les salutations amicales de la part de tout le Mojoca.

 

Gérard