témoignages + 2005 fevrier Gérard et Jacqueline

Guatemala, le 9 février 2005

Chères amies et amis des filles et des garçons  de la rue,

Depuis plus de 3 semaines, je me trouve au Guatemala avec Nora et j’attendais l’inauguration officielle de la nouvelle année sociale vendredi prochain 11 février, pour vous envoyer des nouvelles de la rue et du Mouvement. C’étaient toutes des bonnes nouvelles mais malheureusement, hier, on m’a annoncé une terrible nouvelle: on venait de découvrir le corps sans vie de notre ami et frère, Dionisio, dans une maison non habité. La mort remontait à deux ou trois jours. Dionisio est mort seul, sans que personne ne lui tienne la main dans ces derniers moments de sa vie trop brève. Il avait 20 ans et était déjà dans la quatrième étape du Mouvement, il travaillait régulièrement à l’atelier de menuiserie. Tant d’années d’efforts personnels et d’accompagnement de la part du Mouvement anéantis en quelques instants par une main homicide. On ne connaît pas l’assassin mais vu l’endroit où on l’a retrouvé, on soupçonne des consommateurs de crack, cette drogue terrible qui augmente les niveaux de violence et d’agressivité.

Dionisio était sorti depuis peu de la rue avec sa femme de 17 ans, Jennifer et leur petite fille d’un an à peine. Jennifer avait commencé des études dans une école en-dehors du Mouvement et suivait le cours d’éducatrice populaire. En août dernier, elle avait été élue par ses compagnes, membre de la coordination, chargée de la formation des filles. C’est une fille sensible, délicate, qui a bien compris ce qu’est le Mouvement. Ses interventions étaient toujours pleines de compréhension, de respect des autres.

Un compagnon de la rue lui a annoncé la triste nouvelle avant que j’aie pu le faire. Vous pouvez imaginer son désespoir. Avec elle, nous avons rassemblé les filles et garçons qui se trouvaient au Mouvement et nous avons prié et pleuré ensemble. Jennifer a réagi avec beaucoup de courage et de dignité, elle a pris la parole pour parler de Dionisio et elle a encouragé ceux qui étaient présents à continuer leurs efforts pour sortir de la rue et à suivre l’exemple de Dionisio. Les autres jeunes montrent une grande solidarité envers elle parce qu’ils sont sa famille.

Demain, la vie quotidienne reprendra. mais Jennifer ne trouvera plus son compagnon à l’atelier de menuiserie. Elle a 17 ans et est déjà veuve. Nous l’accompagnerons tous avec beaucoup d’affection dans ces jours difficiles qui l’attendent mais nous savons que son amour pour sa fille qui l’a motivée à sortir de la rue et son amour pour ses compagnes et compagnons de la rue, lui permettront de surmonter cette douloureuse épreuve.

Dans une prochaine lettre, je vous donnerai d’autres nouvelles du Mouvement. Les jeunes participent de plus en plus de façon active. Le Conseil de direction ou Conseil d’administration ne prend aucune décision avant de connaître l’avis du comité de co-gestion où sur 15 membres, 9 proviennent de la rue (7 de la coordination élus par les filles et garçons des rues et Mirna et Mayra, maintenant accompagnatrices).

Une autre nouvelle importante est que le groupe des Quetzalitas s’agrandit, ce qui montre que beaucoup de filles ont réussi à s’insérer de façon autonome dans la société. Elles reçoivent un petit supplément financier pour les enfants qui fréquentent l’école, pour les inciter à inscrire leurs enfants à l’école.

J’ai la chance pendant ce séjour, d’être accompagné de Nora, qui a tout de suite été accueillie avec sympathie par les jeunes du Mouvement et qui fait un travail précieux: des séminaires de formation pour les éducateurs et des entretiens personnels avec les jeunes.

Une nouvelle personnelle si vous me le permettez: après 12 années de séjours au Guatemala, je me suis finalement décidé à louer un appartement près de la maison du Mouvement. Je vis maintenant dans le centre ville, et même s’il est bruyant et pollué, c’est là que vivent les jeunes des rues. J’arrive plus tôt à la maison du Mouvement et je quitte plus tard, je peux recevoir des amis et je peux choisir l’alimentation qu’exige ma santé (qui est très bonne pour l’instant). Ce changement a été la décision de passer au moins 6 mois par an avec les jeunes des rues du Guatemala. Nous avons un comité de gestion uni et engagé et tant de groupes qui travaillent avec passion pour le Mouvement en Italie et en Belgique. Ma présence n’est plus si nécessaire et je réalise mon rêve de rester plus longtemps avec les filles et garçons des rues , mes maîtres de vie, nous avons tant à apprendre d’eux.

Je vous embrasse affectueusement et aussi de leur part.

Gérard

 

Nous avons bien connu Jennifer pendant notre séjour, nous avons apprécié sa douceur, sa maturité, son engagement dans le Mouvement et nous l’aimons beaucoup. Nous sommes très tristes pour elle mais nous ne doutons pas de son courage. Dans le dernier bulletin de liaison, vous pouvez la voir sur la photo dans la cuisine, à côté de la cuisinière.

A bientôt pour d’autres nouvelles et à samedi pour ceux qui assisteront au concert.

Jacqueline